Dessiné par Gatignol Bertrand (Petit, collection Métamorphose) et scénarisé par Merwan (Fausse Garde chez Vent d'Ouest, Pour l'empire avec Bastien Vivès chez Dargaud ou encore L'Ourso chez Glénat avec David Alapont), Pistouvi est publié chez Dargaud en 2011. Une version couleur, appelée Jeanne, qui se veut proche du manga (souple), était disponible. Aujourd'hui, Pistouvi est seulement en noir et blanc ce qui, à mon avis, participe à l'atmosphère pesante que j'ai pu ressentir tout au long de ma lecture (surtout à la fin).
Je reprends la présentation de Dargaud :
Une petite fille, Jeanne, vit avec un jeune renard, Pistouvi, dans une charmante cabane située au sommet d'un arbre géant. Un « homme tracteur » sillonne ces espaces infinis, fauchant sans relâche. Le vent, représenté sous les traits d'une magnifique femme aux cheveux ondulants, s'applique à planter graines et semences qu'il tire de sa besace, contrecarrant ainsi les projets du défricheur. C'est dans ce monde que Jeanne et Pistouvi apprennent chaque jour l'altérité, symbolisée par les oiseaux persifleurs. Pour le renardeau, ces chants représentent un danger, celui de le transformer en oiseau ! Cette fable, empruntant ses symboles au monde des enfants, donne vie à l'univers. D'abord fusionnelle, la relation entre les deux héros s'accidente avec le temps. C'est un conte où le mal est invisible, mais présent ; où le passage dans le monde adulte, changement inéluctable, n'est pas sans créer quelques désillusions !
Lorsque j'ai refermé Pistouvi, j'étais perplexe : j'étais à ce moment-là libraire à Bédélire et nous proposions ce titre en jeunesse, seulement voilà : je considérais cette bd comme beaucoup trop complexe et riches d'allégories pour être conseillée à un enfant. Ce que j'ai vu/lu, ce fut un conte pour enfant, un conte noir, où deux jeunes enfants (Jeanne et Pistouvi, son ami renard), vivent dans un arbre, un bel et gigantesque arbre. Il s'agit de leur nid, qu'ils ont construit dans leur monde. Un monde fou qui nous échappe, où un homme (un géant), sur son tacteur, n'a de cesse de faire le tour de ce monde et de déraciner tout ce qui est possible, détruisant tout sur son passage. Pourtant, cet homme est un adulte, il a ses raisons, il est guidé par ses convictions, par sa nature d'adulte, ce que ne sont pas Pistouvi et Jeanne. Eux, ce sont des enfants ; ils s'amusent. Il leut arrive de croiser l'homme sur son tracteur, mais également une belle jeune femme : le vent. Elle aussi a une mission : replanter et faire vivre la nature. Nous avons l'homme d'un côté, et en pendant la nature. L'un détruit, l'autre redonne vie. Au milieu, Jeanne et Pistouvi vivent au jour le jour ; Jeanne est une chapardeuse (elle dérobe une graine au vent et la plante dans la maison), Pistouvi est téméraire et s'en va jeter des pierres sur les oiseaux, mettant sa vie en danger (ce qui énerve Jeanne), car Pistouvi ne supporte pas le chant des oiseaux ; des oiseaux sombres, ténébreux. Il en fait des cauchemards. Mais à chaque fois ils reviennent chez eux et regardent les étoiles, rêvent encore et une question nous brûle les lèvres : que cache Pistouvi ?
Lorsque les enfants viennent à croiser les oiseaux, Jeanne s'efforce d'aider son ami qui se recroqueville, terrifié, paralysé par les animaux ; des plumes d'oiseaux naissent dans sa fourrure de renard et nous laisse perplexe. Les oiseaux, sauvages, ne se rendent pas compte du mal qu'ils font naître. Continuellement, Jeanne veille sur Pistouvi. Ces amis s'aiment d'une franche amitié : l'un dépend de l'autre, ils sont inséparables. Raison pour laquelle, lorsque Pistouvi s'en va seul, même au pied de l'arbre où ils vivent, pour jeter des pierres sur les oiseaux, Jeanne s'inquiète et le fait immédiatement rentrer à la maison : elle boude, elle lui en veut d'avoir mis sa vie en danger et de ne pas avoir pensé à ce qu'elle deviendra si jamais il lui arrivait quelque chose (soit auxc conséquences de ses actes, une grosse responsabilité).
Or, il arrive un jour où, désarçonnée, Jeanne contemple la transformation de Pistouvi : affolé, ce dernier disparaît dans des plumes. Il devient sombre, noir ; il change de corps et soudainement le voilà devenu oiseau. Un petit hibou ; un hibou qui, sous les yeux de Jeanne, sans un regard pour elle, s'envole vers les siens, abandonnant son ancienne amie qu'il a l'air d'avoir oublié. Jeanne, dorénavant seule, semble perdue, égarée, sans espoir. Abandonnée par son meilleur ami, ignorée à son départ, la voici livrée à elle-même, soutenue par l'homme au tracteur et par le vent. La voici face à la réalité : elle doit grandir et se transformer à son tour, quitter son arbre, sa maison, et devenir adulte. Les destins se croisent, se séparent, et maintenant il faut aller de l'avant.
Pour aller plus loin :