Lorsque j'ai vu cet ouvrage en rayon, j'ai tout de suite été attirée par la couverture et le titre intriguant : Paradis perdus. Forcément, je m'avance, je saisis le livre et lis la quatrième de couverture :
Cette Traversée des temps affronte un prodigieux défi : raconter l’histoire de l’humanité sous la forme d’un roman. Faire défiler les siècles, en embrasser les âges, en sentir les bouleversements, comme si Yuval Noah Harari avait croisé Alexandre Dumas. Depuis plus de trente ans, ce projet titanesque occupe Eric-Emmanuel Schmitt. Accumulant connaissances scientifiques, médicales, religieuses, philosophiques, créant des personnages forts, touchants, vivants, il lui donne aujourd’hui naissance et nous propulse d’un monde à l’autre, de la préhistoire à nos jours, d’évolutions en révolutions, tandis que le passé éclaire le présent.
Paradis perdus lance cette aventure unique. Noam en est le héros. Né il y a 8000 ans dans un village lacustre, au cœur d’une nature paradisiaque, il a affronté les drames de son clan le jour où il a rencontré Noura, une femme imprévisible et fascinante, qui le révèle à lui-même. Il s’est mesuré à une calamité célèbre : le Déluge. Non seulement le Déluge fit entrer Noam-Noé dans l’Histoire mais il détermina son destin. Serait-il le seul à parcourir les époques ?
Immédiatement séduite, j'ai su que cet ouvrage était pour moi. L'écriture d'Eric-Emmanuel Schmitt a toujours été une lecture fluide, riche et dense, qui ne m'a jamais donné envie de cesser de lire. Dans Paradis perdus, j'ai retrouvé l'enthousiasme de tourner les pages, de ne jamais vouloir que le livre se finisse, en dépit de l'amas de papier qui s'accumulait dans ma main gauche. Notez que d'emblée l'éditeur nous annonce la couleur : l'oeuvre fera huit livres, à raison, forcément, d'un par année (avec une parution, j'imagine, prévue pour chaque novembre, un beau cadeau de Noël !). Chaque livre entre dans une ère, dans une étape de la vie de Noam, et, je suppose aussi, dans une autre quête de Noura. Voici le détail fourni par l'éditeur : 1. Paradis perdus (fin du néolithique et déluge) ; 2. La Porte du ciel (Babel et la civilisation mésopotamienne) ; 3. Le Soleil sombre (l'Egypte des Pharaons et Moïse) ; 4. La Lumière du bonheur (la Grèce au IVe siècle av. J.-C. {ou avant l'ère contemporaine pour les adeptes d'Assassin's Creed}) ; 5. Les Deux Royaumes (Rome et la naissance du christianisme) ; 6. La Mystification (l'Europe médiéval et Jeann d'Arc) ; 7. Le Temps des conquêtes (la Renaissance et la découverte des Amériques {époque de ma spécialisation, autant dire que je suis excitée rien qu'à l'idée de croiser les hommes et femmes qui ont fait mes années Master}) ; 8. Révolutions (Révolutions politiques, industrielles, techniques). Bien entendu, il est possible, une fois le livre 2 achevé, de subodorer la manière dont Noam et Noura traverseront les âges. Le livre 1 est un hors d'oeuvre, une mise en bouche qui nous prépare à la grande aventure. Nous faisons la connaissance des personnages principaux et secondaires, ceux que l'on suivra grâce au récit de Noam et ceux que l'on quittera, le coeur serré.
La quatrième de couverture est explicite : raconter l'histoire d'un homme défiant la mort par son immortalité. Personne ne semble être étranger au principe d'immortalité et du lot de tragédie qui l'enveloppe : voir les personnes que l'on aime mourir sans rien pouvoir y faire. Conserver des souvenirs douloureux. Vivre ou survivre avec eux. Aller de l'avant. Dans La traversée des temps, nous suivons Noam qui se réveille dans une grotte au Liban comme s'il venait de renaître -une fois encore. La structure de l'ouvrage est particulière, dans le sens où nous suivons deux Noam : celui du XXIe siècle et celui à l'époque du Néolithique. Noam du XXIe siècle, que nous suivons dès la première page, se heurte au besoin de partager sa vie par le biais de mémoires qu'il rédige petit à petit. Le livre est conçu selon un plan développant l'intrigue (les découvertes, le devoir de Noam au XXIe siècle pour ne pas en dévoiler davantage) de manière inédite. Ce que Noam vit à ce moment-là au XXIe siècle est l'intrigue autour de laquelle s'articule l'ouvrage en lui-même, sous forme de mémoires, pour nous donner les pistes nécessaires à la compréhension de ce qui s'annonce, des personnages récurrents et qui sont directement concernés par les événements. Ainsi voici la composition de l'ouvrage : nous débutons avec le prologue, la renaissance de Noam au Liban, qui doit se familiariser avec cette nouvelle époque. C'est ici qu'il démarre la rédaction de ses mémoires qui prendront une part conséquente du livre. Débute alors la première partie intitulée "Le lac" où Noam nous raconte en détails sa vie au Néolithique jusqu'à un événement qui achèvera ladite partie. La deuxième partie, "Le Déluge" débute par un prologue où nous retrouvons le Noam du XXIe siècle que nous avions quitté à la fin du prologue. Eric-Emmanuel Schmitt développe alors l'implication de Noam dans l'Arche, une résidence pour survivalistes. Les chapitres reprennent où nous avions laissé Noam du Néolithique pour dévoiler l'événement clef de ce premier livre : le Déluge. Enfin, l'épilogue vient après une fin de récit bouleversante et nous permet de découvrir un secret de haute envergure qui mettra le monde à mal si Noam ne parvient pas à empêcher les survivalistes d'agir.
Ce que j'ai apprécié dans le récit de Noam, dans ses mémoires, est l'apport d'informations complémentaires sous formes de notes de bas de page. Ici, Eric-Emmanuel Schmitt lie l'implication de Noam dans les grandes découvertes, la Philosophie, dans l'Histoire de l'Humanité avec deux grands H. Noam n'a pas fait que survivre et vivre à travers les temps, il est à l'origine de nombreux moments clefs en rencontrant, croisant, en se confiant, aux personnalités qu'il a croisé et que nos livres d'Histoire mentionnent (pour vous laisser le plaisir de la découverte, je ne citerais deguin). C'est là qu'entre en scène l'accumulation des connaissances.
La traversée des temps, au-delà d'être un récit fantastique, est également une histoire d'amour entre deux personnages, Noam et Noura, qui n'auront de cesse de se retrouver pour mieux se quitter, en raison des événements. Le seul bémol que je pourrais trouver à l'écriture est la multiplication de synonymes, de termes, pour désigner un état d'esprit, détailler un paysage, décrire des sensations, étayer des propos. Ce type d'écriture, forcément, a son utilité et fait état de la connaissance de Noam : au-delà d'être polyglotte, il a accumulé l'aisance rédactionnelle et rhétorique (par extension, il s'agit de celles de l'auteur, je vous l'accorde), le choix du verbe n'est jamais anodin et comme la langue française est riche de synonymes qui parfois n'en sont pas (chaque terme, chaque mot a sa propre définition et utilisation, parfois seulement dans un contexte précis), Noam nous régale, parfois trop, de ses accumulations.
Pour aller plus loin :
https://www.albin-michel.fr/la-traversee-des-temps-paradis-perdus-tome-1-9782226450227