De prime abord, tout ce qui touche à la France quand il s'agit de SF, j'ai du mal, je l'avoue. Là, il s'agissait d'un petit gratuit dans l'OP Poche et j'avais besoin de me changer les idées. Banco, je suis preneuse, il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis ! Me voici donc à lire la quatrième de couverture et le résumé est prenant. Il me donne envie. Je débute donc ma lecture sans attendre que ce livre soit transcandant. Et pourtant ! L'écriture de Roxane Dambre est simple, efficace, humoristique et bien ancrée dans notre époque. Sans trop entrer dans les détails car je n'apprécie pas énormément les articles où tout est révélé, sachez que notre héroïne, Charlotte Laroche (un prénom et un nom de famille bien français, cela va sans dire), une jeune provinciale faisant la fierté de sa famille car elle a décroché un poste sur Paris, passe par des situations qui peuvent nous arriver à toutes : le harcèlement sexuel au travail, les agressions dans la rue, avec tout ce qui touche à nos sentiments, nos émotions et nos réactions (ne rien faire, être paralysée par la peur etc.).
Publié en 2018, il y a quatre ans, ce premier tome met en exergue ce qui pend au nez d'une femme (vous me trouvez sexiste ? Pourtant, ce que vit Charlotte, en-dehors des créatures de l'ombre s'entend, je l'ai vécu et ne le souhaite à personne. Je suis à peu près sûre que d'autres femmes ont été dans sa situation et n'ont pas osé, pour les mêmes raisons que notre héroïne, en référer) ; bien entendu, si vous avez regardé New Girl, vous saurez que la situation professionnelle de Schmidt est aussi peu enviable. Néanmoins, ces mises en situation ont été l'une des raisons qui m'ont fait apprécier ma lecture. Les autres raisons sont les suivantes : une fluidité dans la narration, un humour décapant qui nous fait sourire, un raisonnement très moderne de Charlotte que je plussoie ! Un style d'écriture introspectif qui fonctionne avec ce récit.
Le récit, parlons-en. Ceux qui marchent dans les ombres sont les créatures de l'ombre dont font partie Elias Lesath et son grand-frère Adam. Le premier, petit garçon de dix ans, débarque dans la vie de notre héroïne, grand admirateur de Charlotte Corday. Mais si, vous la connaissez, Charlotte Corday, "la plus grande assassin de notre pays". En vérité, vous connaissez ce tableau :
Jean-Paul Marat, assassiné dans sa baignoire par Charlotte Corday. Un peu d'histoire, que diable ! Notre petit Elias est un fervent admirateur de Mademoiselle Corday. Forcément, Charlotte portant le même prénom, lui est déjà sympathique. Quand le jeune Lesath s'installe, non sans laisser planer un doute sur qui et ce qu'il est, la vie de Charlotte prend une tournure fantastique : Elias est issu d'une famille de tueurs à gages, les Lesath, dont l'emblême est le Scorpion (Scorpi). Quand le petit enfant lui demande le plus naturellement du monde si elle souhaite qu'il tue pour elle, la passivité de la jeune femme le met à rude épreuve : personne ne mourra tant qu'il sera sous son toit. Loyal mais ayant une idée derrière la tête, Elias cède à contre-coeur. Eh oui, quand on est tueur à gages, même du haut de nos dix ans, il est difficile d'accepté sans bougonner.
Ce n'est pas tout : comme l'annonce la quatrième de couverture, Charlotte tombera sous le charme d'Adam, sans nous en dire davantage et c'est tant mieux ! Je dois admettre que le passage où le grand-frère débarque est mon préféré : la tournure des pensées de Charlotte est franche et satisfaisante, dans le sens où oui, nous aurions toutes -et tous?- pensé la même chose qu'elle. La fraîcheur de l'écriture de Roxane donne un rythme au texte qui enchante le lecteur et, oui, rend addictif. J'ai lu le Poche en quelques jours à peine, délaissant sans scrupule mes Athéniens et mes Spartiates d'Assassin's Creed.
Dans une autre tonalité, la mise en place de l'histoire (histoire qui s'étend sur trois tomes), même si elle met du temps à venir, convainc le lecteur et donne des pistes quant à la suite (je n'ai pas osé lire la quatrième du tome 02 que je n'ai pas encore). Aspect appréciable à mon goût : Paris, où se situe l'aventure, n'est pas aussi présente. Non pas que ce soit une ville que je porte dans mon coeur, mais il arrive que des pavés de descriptions à la Zola sur notre capitable troublent ma lecture et ne me fasse perdent l'intérêt pour le fil rouge. En-dehors du Jardin d'Acclimatation qui n'est connu que des franciliens et des parisiens, la vie de Charlotte qui, somme toute, peut être aisément triviale par sa similitude avec la nôtre, ne sera pas si difficile à s'imaginer (n'ayant pas vouly gâcher ma lecture avec Google Image et Jardin d'Acclimatation, il n'a pas été évident de savoir de quoi il était question).
En parlant de déconvenue, les pensées de Charlotte à l'égard d'Adam peuvent, à mon sens, parfois, souvent, trop, dévier dans du sentimental que je répugne (le mot est fort, j'ai tout de même levé les yeux au ciel en lisant les passages). Cela dit, ils sont suffisamment espacés pour ne pas gâcher ma lecture. Autre point qui m'a posé problème : la tendresse de Charlotte vis-à-vis d'Elias. On va dire que je chipote, or, je n'a aucune affection pour les enfants, ce qui rendait problématique d'accepter que Charlotte utilise aussi souvent des adjectifs tendres et affectueux pour désigner Elias, qu'elle ne connait que depuis quelques heures -minutes. Ou alors je n'ai pas de coeur et cela n'est dû qu'à mon manque d'affection pour les enfants. Quoiqu'il en soit, ces surnoms n'ont pas été gênants. Dernier point noir : l'utilisation excessive des points d'exclamation (!). Oui, il peut arriver que l'on hurle dans notre tête, que l'on soit victime d'une passion dévorante qui puisse justifier de les utilier, mais aussi souvent ? Hum... Encore une fois, à vous d'en juger.
Malgré ces quelques mauvais points qui m'ont fait grincer des dents, grimacer, mais qui ne m'ont aucunnement donné envie de m'arrêter, la saga Scorpi a été une agréable et surprenante découverte ! Je ne m'attendais pas à aimer autant. Pour cela, je le conseille vivement car, quand on veut du fantastique avec une touche d'humour dans un esprit du XXIe siècle, il faut se jeter dessus sans hésiter !