Déracinée de Naomi Novik est un ouvrage j'ai malheureusement abandonné en début d'année. Je n'étais pas dans l'histoire, je n'arrivais pas à entrer dedans, alors je l'ai laissé pour le reprendre le mois dernier. Je n'avais lu que les deux premiers chapitres et j'ai repris là où j'avais laissé Nieshka, notre héroïne. Et voici que je tombe dedans, tête la première.
Depuis toujours, le village de Dvernik est protégé des assauts du Bois - une forêt maléfique douée d'une volonté propre - par le «Dragon», un puissant magicien. Celui-ci, en échange de ses services, prélève un lourd tribut : à chaque génération, la plus jolie jeune femme de la communauté disparaît dans sa tour. Cette année, c'est Kasia qui sera choisie. Forcément, c'est la plus belle, la plus populaire. Personne n'en doute, et encore moins Agnieszka, qui n'a jamais voulu de cet honneur. Mais les choses ne vont pourtant pas se passer comme prévu, et Agnieszka va découvrir un monde au-delà de l'entendement...
Après lecture (il me reste 150 pages avant la fin), je dois préciser que la fin de cette quatrième de couverture "Mais les choses ne vont pourtant pas se passer comme prévu, et Agnieszka va découvrir un monde au-delà de l'entendement", ne rend pas hommage à tous les événements qui se produisent. La couverture, elle, dépeint bien l'univers : les ronces, feuilles ou roses pour le Bois ; le village de Dvernik et, très certainement la maison de Nieshka (surnom de notre héroïne) dans l'ombre de la tour du Dragon.
Effectivement, elle entre au service du Dragon : dans sa tour, loin de sa famille, elle apprendra la magie, la sienne, celle qu'elle fait évoluer car toutes les magies des magiciens ne se valent pas. Avec elle, nous apprendront comment elle déploie sa force pour se protéger et, surtout, défendre ses terres du Bois.
Car le Bois est l'antagoniste. Il est vivant, intelligent, active, réfléchi. Il n'est pas qu'une zone, qu'un bois, une forêt semblable aux autres. Il est là pour envahir, tuer et transformer. Toute personne prise dans les mailles du filet du Bois mute, quitte son enveloppe humaine pour devenir une créature létale et propre au Bois. Par exemple, il existe des sortes de marcheurs, des humains ayant été avalés par le Bois et qui ont muté en branche. Ou en brindille. Bref, ils ne sont plus humains mais appartiennent au Bois. Ces êtres sont des cauchemars pour les enfants, car quiconque en croise ne peut revenir au village.
Mais reprenons avec Agnieszka, qui est formée par le Dragon alors que tout indiquait, depuis des années, que Kasia serait sélectionnée. Tout part de là, et tandis que Nieshka apprend à maîtriser une magie improbable, car elle-même ne s'en croyait pas capable, arrive le Prince Marek, désespéré, à la recherche d'un moyen de sauver sa mère avalée par le Bois depuis vingt ans ("Elle n'est pas morte, je vais vous le prouver en entrant dans le Bois et en la délivrant !", voilà un peu son discours). Le Prince Marek vient quérir l'aide du Dragon (magicien qui tous les dix ans prend une fille du village, la forme à la magie et la laisse partir en ville, notez cela), et quand il apprend que notre héroïne est une sorcière, entrevoit la possibilité de se servir d'elle pour parvenir à ses fins. Mais lequelles ? Ca, c'est une chose que vous saurez en lisant le livre ! C'est toute la deuxième partie de l'ouvrage. La première étant la formation jusqu'à un événement clef qui bouleverse tout le monde au sein de la Tour du Dragon.
Car oui, Nieshka est prise dans un tourbillon qui, certes la dépassent, mais elle apprend aussi que le Royaume lui-même est menacé et que son petit village, situé à 10km du Bois, est stratégique. Entre autre, ce roman réunit des problématiques magiques, amoureuses, mais surtout politiques. Car oui, qui dit prince, royaume, Bois menaçant, dit intrigues, mensonges, dissimulations, enjeux. Notre jeune sorcière ne découvre pas un monde au-delà de l'entendement mais que son monde est sur le point de disparaître si elle n'engage pas, elle ainsi que le Dragon, les magiciens de la cour, les paysans du royaume et le Roi lui-même, une guerre contre le Bois pour l'arrêter. Car cet être énigmatique est présent depuis des siècles et nul ne sait depuis quand exactement il a commencé à croître.
L'intérêt de ce roman est de défier un ennemi bien plus intelligent que soi, plus solide, plus téméraire et malin, qui sème la discorde et le doute dans chaque être humain. Une fois l'infection achevée, un humain est sous l'emprise du Bois et les magiciens disposent de reliques et de sorts pour estimer si une personne est infectée. Sauf que chaque infection est synonyme d'exécution. Personne ne peut déjouer le Bois, personne ne peut en ressortir sain d'esprit. Nieshka elle-même en fera les frais, se rendra compte de la complexité du Bois, de sa faiblesse aussi face à lui. Elle devra prendre des décisions lourdes de conséquences. Le tout pour faire avancer l'histoire, certes, mais cela permet de sonder l'âme humaine, sa complexité, sa contradiction. Grâce aux personnages, Naomi Novik explore un monde dans lequel je me suis laissée choir, quand bien même ai-je eu du mal à entrer dedans.
D'aucuns diront que Agnieszka atteint trop vite son plein potentiel, que cela n'est pas cohérent, seulement il faut faire avancer les choses et notre héroïne, quoique maladroite et pas très propre sur elle, manipule une magie différente de ses congénères magiciens, et cela on l'apprendra à un moment crucial, en lien avec les jeunes filles sélectionnées par le Dragon (et pourquoi ce dernier tous les 10 ans réitère sa moisson). L'univers est cohérent et nous plonge dans une atmosphère médiévale fantasy.