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La voie des oracles

La voie des Oracles, I : ThyaLa Voie des Oracles Tome 2. EnochLa voie des oracles 3 : Aylus

Prix Actu SF de l'Uchronie 2016, La voie des oracles est une trilogie d'Estelle FAYE, auteure française connue pour Un éclat de givre ou plus récemment La dernière Amazone aux éditions Rageot à destination de la jeunesse.

Avec comme matière première le fantastique, La voie des oracles : Thya, s'inscrit dans un Empire Romain en déclin, où la religion polythéiste est petit à petit remplacée par celle monothéiste que nous connaissons bien : le Christianisme. On peut supposer que l'action prend place entre le IVe et début du Ve siècle, puisque le Sac de Rome par les Vandales (qui constituent une menace dans le livre) est fait en 455. Le peuple change de religion, autant pour se protéger moralement que physiquement, sachant que les païens étaient mal vu et qu'une chasse était organisée. Les sorcières, les magiciens, les oracles, tous ceux-ci devaient trouver la paix et le pardon en abandonnant leur croyance pour celle miséricordieuse du Christ, ou trouver sa place sur un bûcher pour hérésie. C'est ce que l'on retrouve dans l'univers de Kaamelott, pour les fans.

Imaginez-vous donc une ère chrétienne dans l'Empire romain, où Rome reste la capitale de la décadence, des dernières lubies. Une ville de folie. Sauf que notre histoire prend place en Aquitania, soit l'actuelle Aquitaine (sud-ouest), dans une villa bien tranquille, où vit Thya, notre héroïne de seize ans. Son père n'est autre qu'un célèbre général de l'armée romaine : Gnaeus Sertor, qui aurait repoussé des Vandales et protéger l'Empire des invasions. Cependant, le premier chapitre ne présente pas notre héroïne comme c'est souvent le cas, mais son protecteur : le Faune, ou Satyre chez les Grecs, un homme-bouc que l'on voit accompagner Dyonisos/Bacchus dans ses cortèges, ainsi que l'événement clef du récit : l'attaque de Gnaeus Sertor par les Pictes. Le Faune y assiste, avec une Dryade qui sauve Sertor "pour que sa fille parte le sauver". Or, s'il est encore en vie, de quoi faut-il le sauver ? C'est là tout l'intérêt de la saga.

Entre le Destin qu'elle sait inévitable et son don d'Oracle, Thya voit dans ses visions des événements qu'elle sait inévitables. Elle accepte donc que sa vision de Brog soit déterminante dans la survie de son père et se lance dans une aventure de plusieurs kilomètres depuis l'Aquitaine pour atteindre une région dangereuse aux confins de l'Empire déchiré. Hélas, son frère Aedon la poursuit, il a un tout autre destin pour elle et Thya ne le partage pas. Sa fuite est double, autant pour servir son Destin que s'éloigner de son frère qui fera tout pour la récupérer.

Notre Oracle croise la route de deux hommes qui deviendront ses acolytes : Mettius, un ancien légionnaire ayant servit Sertor, et Enoch, un maquilleur. Tous les trois, depuis l'Aquitaine, devront remonter la Gaule jusqu'à Brog (je vous avoue que je n'ai pas trouvé Brog dans Google...), ce qui permet de faire un tour de France à la sauce latine ! Leur route trouvera la fameuse Via Aquitania, les villes de Varatedo (Vayres) en Gironde, pour remonter vers Burdigala (Bordeaux), puis vers Lutèce (Paris) où le fleuve Sequana (la Seine) les mènera plus bas, vers Andemantunnum (Langres). Le but est de passer le Monte Vosego (les Vosges), au niveau du plateau de Ligons, et accéder enfin à Brog. Durant tout ce chemin, Thya devra cacher qu'elle est Oracle, car les prêtres et autres fanatiques chrétiens arpentent les routes pour prêcher la bonne parole. Si Thya est découverte, elle risque de passer un mauvais quart d'heure puis d'être brûlée.

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Les noms latins forcent à revoir nos cours d'Histoire, et ce que j'ai apprécié c'est aussi de mélanger les termes latins au texte afin de nous mettre dans l'ambiance, car Thya porte des stola, ces vêtements typique de l'époque. De même, quand les personnages se croisent ou se hêlent, le terme Vale est utilisé, ce qui signifie bonjour et au revoir en même temps. Le texte en lui-même est simple mais travaillé. Je sens parfois et aimerai, surtout, que la complexité d'un personnage ou sa psychée soit développée ou tournée d'une autre manière, plus complexe, mais c'est justement car l'ouvrage est accessible pour un adolescent que je me sens frustrée. Pour autant, cela n'enlève rien au charme du récit et à l'aventure, car chacun de nos trois voyageurs dissimule quelque chose : Enoch, Mettius et Thya. Un secret qu'il se garderait bien de dévoiler et qui rend le personnage intéressant. Quand viendra la vérité, comment les autres réagiront-ils ? L'importance de chacun dans la quête de Thya n'est pas à négliger.

En-dehors de notre Faune et de sa chère Dryade, on fait la connaissance de divinités et esprits issus de nombreuses mythologies, comme une Ondine (dans la mythologie celtique et les légendes alsaciennes, ce sont les esprit des rivières et des lacs, des dérivés des dryades et naïades), Culsans (le dieu de la conception et des portes ouvertes dans la mythologie étrusque, un dérivé de Janus) ou Nodens (mythologie celtique, dieu guérisseur et dieu pêcheur). Ainsi, cela nous permet d'avoir une vue d'ensemble des croyances, esprits et déités qui vivent en harmonie, quand bien même l'ombre du christianisme plane sur eux.

 

Date de dernière mise à jour : 23/04/2024